En effet, une paix éphémère a été signée en -39 entre Sextus Pompée et les membres du second triumvirat ; de plus, au printemps -37, Octave parvient à conclure avec Marc Antoine un accord qui allonge la durée de leur triumvirat de cinq années supplémentaires. Elles mettent en scène la disparition du monde « édénique » des Bucoliques où le berger se contentait, lentus in umbra, (« nonchalant à l'ombre ») de ce que la nature lui offrait[154], montrant, à travers le travail pénible[N 49], facteur même et condition de l'évolution de l'homme, la mise en ordre de la nature : le passage à une récolte et un élevage maîtrisés[121]. En France, Rabelais ou Montaigne citent spontanément Virgile, en relation avec leur propre œuvre[247] : ainsi, dans Le Tiers Livre — qui contient soixante citations de Virgile[248] — Rabelais cite le vers 168 du livre IV des Géorgiques (ignavum fucos pecus a praesepibus arcent) qu'il traduit « les abeilles écartent les frelons, ces paresseux, des ruches », à propos des moines, qu'il considère comme des parasites de l'Église[249] ; Montaigne, qui le mentionne explicitement treize fois, admire « signamment (particulièrement) Vergile en ses Géorgiques, [qu'il] estime le plus accomply ouvrage de la Poësie »[250]. Si les Ciliciens avaient la réputation d'être d'excellents jardiniers[190], c'est surtout une « personne déplacée »[N 58], qui a connu la souffrance et l'exil[192] comme Virgile, ce qui en fait une image du poète[64] ; et Tarente est la capitale du néopythagorisme[193],[N 59]. Celles des Géorgiques sont sans doute liées au même phénomène de mode que les « bergeries » de Marie-Antoinette[259]. Cantique à la terre vivante et méditation sur la beauté autant qu'œuvre morale et politique, il est considéré comme l'un des sommets de la création poétique occidentale. Sur le socle d'Orphée est écrit « Omnis effusus labor » et sous celui d'Eurydice « Quis et me miseram et te perdidit Orpheu »[N 85]. Il sentait trembler en lui la souffrance fondamentale, non celle qui vient des êtres et des choses mais qui sourd de l'homme même et à quoi s'efforce de nous arracher la vie ; il pouvait lui échapper, mais seulement en cessant de penser à elle ; et il y plongeait de plus en plus, comme si cette contemplation épouvantée eût été la seule voix que pût entendre la mort, comme si cette souffrance d'être homme dont il s'imprégnait jusqu'au fond du cœur eût été la seule oraison que pût entendre le corps de son fils tué. Cependant, si l'on en croit les commentaires de Servius Honoratus[N 10], le poème s'achevait initialement par l'éloge d'un ami de Virgile, C. Cornelius Gallus, évoqué dans la sixième Bucolique (v. 64)[16] et dédicataire de la dixième[N 11], qui a participé à la conquête de l'Égypte et a été choisi par Octave pour en être le premier préfet[16]. Après celle, en 1649, de l'abbé de Marolles qui « traduisait encore plus mal en vers qu'en prose »[259], une de l'abbé Desfontaines (en prose) parait en 1743 suivie, dans les années 1760, d'une « tentative malheureuse de traduction » par Lefranc de Pompignan[260]. Pétrarque, qui l'admire passionnément et le cite constamment[243], a longuement annoté le manuscrit des œuvres de Virgile qu'il possédait. voisins à obéir aux exigences des fermiers, Dès la fin du siècle se bâtit sa légende : désormais l'influence de Virgile sera universelle, continue, et extraordinairement variée[235]. On peut tromper la vie longtemps, mais elle finit toujours par faire de nous ce pour quoi nous sommes faits. Virgile y signe son nom (vers 563)[N 36]. Outre l'irréductible échéance liée à la mort, outre les multiples et indicibles souffrances, n'est-il pas donné à tous de choisir son destin ? Quel roman d’André Malraux obtient le prix Goncourt ? Il passe volontairement sous silence certains thèmes, tels les jardins, l'art botanique ou la chasse : le but des Géorgiques, qui célèbrent une vie de soins et de labeur, est bien d'inciter les hommes à cultiver utilement la terre plutôt que leurs conflits[29]. Lucrèce, dans son De rerum natura, l'a utilisé avec « beaucoup d'éclats de génie et beaucoup d'art »[106], faisant de sa traduction d'Épicure, un « beau poème scientifique »[107], cosmique et épique[108]. Pour Joël Thomas, Virgile est le seul poète latin à avoir su vraiment « allier de façon harmonieuse la coexistence du chant national et du chant de l'intimité », à avoir, en particulier dans les Géorgiques, fondu le didactique, l'épique et l'élégiaque dans une réalité poétique unique et plus complexe[144] ; aux frontières des genres, explorant poétiquement la relation de l'homme au monde et à la nature, ajoute Frédéric Boyer[145]. Le groupe « Orphée et Eurydice », œuvre du jeune Canova, représente les deux époux au moment où Orphée se retourne. roseau et qui, sorti des lieux boisés, ai contraint les champs Ainsi, dans la Divine Comédie, c'est Virgile, « le poète le plus sage de l'antiquité classique », qui conduit Dante à travers les sept cercles de l'Enfer puis les sept du Purgatoire. Et si cette opposition est aujourd'hui devenue un lieu commun, c'est justement parce que Virgile l'a si magnifiquement mise en scène[124]. Selon des témoignages antiques, le poème a fait l'objet d'une lecture publique par Virgile lui-même devant Octavien au printemps 29. Entre 1911 et 1912 le Mercure de France publie les trois volumes des Géorgiques chrétiennes de Francis Jammes, salués par le premier article de critique littéraire de Claudel[276]. D'abord au début de la IVe églogue : « Sicelides Musae, paulo majora canamus » ( Muses de Sicile, élevons un peu la voix) ; Pour empêcher Orphée de se suicider par désespoir, Amour lui rend Eurydice. ut quamvis avido parerent arva colono En effet, composé dans une période trouble et sanglante dont il garde des traces, il s'élargit à une vaste réflexion sur la beauté mais aussi la fragilité du monde. gratum opus agricolis, at nunc horrentia Martis Alors qu'il travaille sur le livret, l'auteur écrit à son ami André Lambinet, le 16 mars 1912 : « je ne me souviens plus si c'est dans Ovide ou dans Virgile la mort d'Euridice [sic] qui se termine par ce vers « Eurydicen toto referebant flumine ripae »[N 87] (je crois) ce qui ferait le dernier acte du ballet ». Ses lecteurs ne sont d'ailleurs pas les paysans, mais ces riches citadins cultivés qui vivent une partie de l'année sur leurs terres, pour leur faire estimer la campagne[85], et prendre conscience de la précarité de la vie des paysans[86]. Le temple que Virgile se propose de construire, d'orner de « portes sculptées d'or et d'ivoire », de décorer « de statues qui respirent » et où il, « apportera les offrandes, la tête ornée de feuilles d'olivier », Dans le livre IV, au contraire, Virgile décrira, chez les abeilles, un amour fondé sur la chasteté et le sacrifice, Virgile cite deux sortes de vipères, mais aussi la couleuvre, qu'on croyait nuisible, Les Anciens croyaient que les abeilles ont des rois, bons et mauvais, qui se battent en vol (et non des, deterior qui visus, eum, ne prodigus obsit / dede neci ; melior vacua sine regnet in aula, Pour les Anciens, les abeilles ne s'accouplaient pas et naissaient soit de « semences » de fleurs, soit, par, Virgile reprendra les vers 471 à 477 presque textuellement au, « défenseur héroïque de la liberté républicaine », Dans l'antiquité, on cultivait la vigne en, Dans ce texte (inachevé), Lucrèce veut sans doute montrer l'attitude du sage épicurien devant le malheur et dans l'épreuve : ni révolte, ni désespoir, ni superstition, Cependant, il n'a pas noté qu'elles construisent des cellules de forme géométrique, Varron est le seul à l'avoir signalé, « les petits de l'ourse, d'abord laids et grossiers, ne prennent forme et figure qu'à force d'être léchés par leur mère », « une longue étude sur la diversité des sols […] plus appropriée à une glorification lyrique de l'inépuisable fécondité de la nature », « la fourmi inquiète pour sa vieillesse sans ressource », « engourdis, la dépassent à peine de la pointe de leurs cornes », torpent […] et summis uix cornibus exstant, La tradition rapporte que Virgile avait demandé qu'on brûlât son épopée s'il mourait avant de l'avoir achevée, L'extension des grands domaines pratiquant une monoculture extensive aggravait la crise économique provoquée par les guerres : la sécurité alimentaire de Rome dépendait de plus en plus des provinces lointaines (comme l'Égypte, « grenier à blé » à partir de, On sait qu'en réalité la plupart des vétérans ont préféré revendre leur fonds et rester en ville plutôt que de s'astreindre à l'effort de le cultiver, La traduction traditionnelle est « acharné », celle choisie par Jeanne Dion pour la Pléiade est « incessant », « bien préférable de laisser au mot sa valeur première : malhonnête, trompeur », Ainsi il doit mettre au repos au pré le vieux cheval, « épuiser tout entier leur pis pour leurs doux petits », « le riant épisode de l'industrieux vieillard de Tarente apparaît dans le livre IV, (v. 125-146) à la place exacte où le poète avait exposé, dans le livre I (v. 125-146) la dure loi du travail », Le thème de l'exil est une constante dans l'œuvre de Virgile, des bergers chassés d'Arcadie dans les, Il revendique deux fois la primauté, comme Virgile, qui affirme être le premier à acclimater en latin un genre littéraire d'origine grecque : en particulier dans le livre III, v. 10 et 12 (, Comme Orphée, qui, dit Virgile plus loin, « entraine les chênes par son chant » (v. 510), mais par la seule force de son travail, « à propos de laquelle on notera la présence, non innocente, du serpent… », Dans ce poème consacré au travail, Virgile n'emploie qu'à la fin (v. 564) le mot. Pour voir ce qu'elle répondra, tu t'amuses à appeler l'une après l'autre par son nom. Présente-t-on encore La Condition Humaine, prix Goncourt et -paraît-il- reconnu comme l'un des 5 plus grands romans du XXème siècle ? Delille (qui n'a que 27 ans) est encensé comme un nouveau Virgile. Toutefois, signale Antoine Adam dans son Histoire de la littérature française au XVIIe siècle, l'un d'eux au moins a « admirablement compris et traduit » Virgile, c'est Jean-François Sarrasin, dont les Églogues fourmillent de réminiscences virgiliennes[251]. quarum sacra fero ingenti percussus amore, L'initiale est souvent historiée[322] et les enluminures des exemplaires les plus luxueux sont en pleine page. Son thème unique, semble-t-il, est celui d'une surabondance si foisonnante, que le poète se sent impuissant à la décrire[41]. Mais il préférerait Orphée déchiré par les Bacchantes[N 88] que par les femmes de Thrace « et alors, à la fin, les voix apparaîtraient pour soupirer « Eurydice ! ouvrage agréable aux paysans, maintenant, de Mars les effrayantes S'adressant à nouveau à Mécène, Virgile annonce son sujet (v. 1-5) : « je vais chanter le miel aérien, présent céleste[N 28] : de ce coté aussi porte tes regards. jamque vale : feror ingenti circumdata nocte » tandis que « le long du fleuve, le rivage en écho redisait « Eurydice » » (v. 525-527). Les Géorgiques lui semblent un poème empreint de gravité et de mélancolie sur la fragilité de notre condition de vivant : « Je comprends, écrit-il, que notre tragique paradigme contemporain face à la terre devient pour moi, traducteur, écrit au futur dans l'œuvre antique. Giono, « qui est plus virgilien que Virgile »[280], lui consacre un ouvrage en 1960[281], et voit en lui un « prophète » et un « guide »[282] ; comme lui, il prône un monde en contact avec la nature, particulièrement dans sa « première veine » (Colline, Regain) et, dans ses derniers ouvrages, met l'accent sur la « dureté joyeuse de la vie »[130], comme dans le premier récit de Ennemonde et autres caractères où il décrit la « fureur » des abeilles sauvages « qui chargent », en suivant les Géorgiques de très près[283]. Virgile y fait très précisément allusion dans le prologue des Géorgiques (livre 1, v. 24 à 40) : la louange d'Octave commence par l'évocation de sa prochaine immortalité astrale (« toi, César, qui dois un jour siéger dans les assemblées des dieux »)[81], et se poursuit par l'association de la divinisation d'Octave avec le signe de la Balance[80]. J.-C.)». C'est, de son propre aveu, une œuvre de circonstance. Et si cet épyllion a remplacé un éloge direct de Gallus, c'est une discrète façon de magnifier l'ami malgré sa disgrâce[16]. Une histoire racontée par une fille ayant vécu au rythme des humeurs de sa mère agitée par la bipolarité. Traduction de Jeanne Dion (livre premier et livre IV, v.198-386), Philippe Heuzé (livre II et fin du livre IV, v.387-566) et Alain Michel (livre III et début du livre IV, v.1-197), (Gallimard, 2015. Alors que l'entreprise d'Orphée, dans la version choisie par Virgile, s'est terminée par un échec[N 62], celle d'Aristée a une conclusion heureuse[111]. Or la période historique où vit Virgile est traversée par une petite révolution dans le monde des astrologues : l'ajout d'un douzième signe du zodiaque, obtenu en distinguant la Balance du Scorpion, alors que les « Chaldéens » n'y voyaient qu'un seul signe, celui du Scorpion (dont les pinces forment la Balance). Ces inutiles mains qui ne sont plus à toi[N 77]. Cela est encore plus net au XVe siècle, en Flandre, en France et surtout en Italie, où ont été réalisés la majorité des manuscrits qu'on possède encore[317]. Est-il de Virgile ? C'est l'araire « rapide » (aratrum auritum) italique, avec ses orillons à l'arrière du soc pour rejeter la terre de part et d'autre, son age courbe et son sep divisé à la partie postérieure[89]. Après une rapide présentation (v. 281-314) du procédé utilisé jadis en Égypte pour ressusciter les abeilles — la, Vers 425-558 : restauration de l'essaim. Mais, moi, je passe ce sujet par manque de place Ces derniers événements apparaissent en filigrane dans le livre quatre des Géorgiques avec l'apologue de la destruction de la ruche et de la renaissance des abeilles[N 5] : […] Tu munera supplex En Espagne, les Géorgiques nourrissent le courant qui se développe autour du « Menosprecio de corte y alabanza de aldea » (« Mépris de cour et éloge de la campagne »)[246]. Parmi les plus anciens codices majores encore existants le Mediceus Laurentianus (Florence, Laur. Dans Les Saisons, Nicolas Poussin illustre le cycle annuel de la nature, les travaux et les jours[N 84]. Peu ont été identifiés, à part ceux qui ont apposé leurs armoiries sur leur exemplaire, ou avaient une bibliothèque dont on possède encore l'inventaire. révolution   39.1), du milieu du Ve siècle, est le plus complet[N 90] ; les sept feuillets subsistant du Vergilius Augusteus, écrit en quadrata, sont ornés de lettrines en début de page ; le Vergilius Vaticanus (Cod. »), Au vers 25. Le livre II déroule ainsi les éléments du bonheur que la Nature offre aux humbles paysans[42]. Les lettrines font leur première apparition dans les manuscrits bénéventins au XIe siècle)[317], dont l'un, conservé à la bibliothèque nationale de Naples, possède des initiales très décorées[N 91]. Virgile est même assez influent pour pouvoir présenter Horace à son protecteur et ami Mécène[4]. Tum variae venere artes : labor omnia vicit Confronté au problème du Mal et de la souffrance à l'œuvre dans le monde et dans l'histoire, Virgile montre sa compassion. Sauf pendant les temps troublés du Haut Moyen Âge (VIe et VIIe siècles), Virgile ne cessera jamais d'être enseigné, admiré, imité[3]. Les Géorgiques, comme les Bucoliques ou l'Énéide, quoique dans une moindre mesure, ont inspiré les peintres et les musiciens[290]. aie pitié avec moi de l'ignorance des paysans devant le chemin à suivre, […] Il y a deux hommes dans cet homme, un courtisan et un poète ; le courtisan a eu une idée vile, il l'a confiée au poète, le poète en a fait une page sublime », Fai lusi toun blound calèu !