27Si Déméa est absent du dernier acte des Dialogues, c’est parce qu’il a quitté subitement ses compagnons à la fin de la onzième partie. Leur système « est sujet aux mêmes difficultés et, de surcroît, il doit supporter la double absurdité de dénoncer et d’établir à la fois la supposition vulgaire » (TNH, I, IV, II, 296-303). Histoire Naturelle de La Religion C’est que la supposition d’une divinité parfaitement juste et toute-puissante « sent plus la flatterie et le panégyrique que le raisonnement juste et la saine philosophie » (Ibid., 259). 24Mais quand bien même les partisans de la religion naturelle ne seraient pas des prêtres chrétiens, quand bien même le peuple n’aurait jamais connu le christianisme, la religion naturelle n’en aurait pas moins les effets socialement nuisibles de ce dernier, qui tiennent tous à la superstition populaire entretenue par le pouvoir des prêtres. Mais la circonstance qui rendait improbable l’antériorité historique de la religion naturelle par rapport au polythéisme rend en même temps problématique sa dérivation à partir de celui-ci. C’est pourquoi le polythéisme, moins superstitieux que le théisme, est dans cette mesure moins religieux. Le prix se mettra à jour automatiquement lors de la validation de votre commande. 48 L’idée d’existence n’est pas distincte de l’idée de ce que nous concevons comme existant, et donc réciproquement, si nous ne concevons rien, nous ne concevons rien d’existant. Mais ici comme ailleurs, c’est un double langage que tient Hume. 12La troisième section contribue à établir cette continuité, envisagée cette fois du point de vue de l’anthropomorphisme. Dans L’histoire naturelle, la vraie religion est assimilée au pur théisme, c’est-à-dire au théisme exempt de toute superstition, parce qu’il repose sur une connaissance de la nature, tandis que la superstition est une crainte jointe à l’ignorance des mécanismes du monde naturel. Mais c’est aussi, et par conséquent, au sens où elle n’a rien d’originel, comme le croient les théistes lorsqu’ils affirment que tout homme peut en découvrir les vérités par un bon usage de sa raison11. Si le théisme philosophique n’a pu être la première religion de l’humanité, c’est parce que la contemplation de la nature et l’interrogation sur les causes finales dépassent infiniment les capacités d’une humanité inculte trop préoccupée par ses besoins les plus élémentaires14. Un peu de philosophie, dit Lord Bacon, rend les hommes athées, beaucoup de philosophie les réconcilie avec la religion. exemplaire(s). TAILLE DU FICHIER: 10,68 MB. Achetez et téléchargez ebook Histoire naturelle de la religion: Boutique Kindle - Histoire : Amazon.fr 73 La conclusion du Livre I du TNH pose clairement l’alternative concernant le guide de la vie humaine : la philosophie est préférable à la superstition, parce que « D’une manière générale, les erreurs, en religion, sont dangereuses ; en philosophie, elles ne sont que ridicules » (TNH, I, IV, VII, 364-365). Elles trouvent leur origine dans les passions des hommes. En somme il y aurait d’un côté la religion du peuple, ou de l’humanité encore inculte, et de l’autre la religion des savants, ou de l’humanité civilisée. L’identité entre le christianisme et la religion naturelle n’est pas seulement théorique, au sens où l’on a affaire à un théisme dans les deux cas, en tant qu’on oppose celui-ci au polythéisme. L'histoire naturelle de la religion et les Dialogues sur la religion naturelle Les deux principaux écrits de Hume sur la religion sont L'histoire naturelle de la religion, publiée en 1757 dans Four Dissertations, et les Dialogues sur la religion naturelle, publiés après la mort de … Et au lieu de contrôler chaque principe, sur leur route commune, elle est à chaque pas détournée et mise au service de la superstition »32. Mais il ne peut en aller autrement dans les questions religieuses : « Ce que vous attribuez à la fertilité de mon invention, répondit Philon, est entièrement dû à la nature du sujet. Dieu ne peut être dit posséder un esprit semblable à celui de l’homme, qui se caractérise par un changement continuel de ses perceptions. Histoire naturelle de la religion. En somme, la religion naturelle retournera d’autant plus à son origine superstitieuse, le théisme populaire, qu’elle se diffusera à plus grande échelle, comme elle l’exige pourtant d’elle-même. Elles trouvent leur origine dans les passions des hommes. L’histoire naturelle de la religion et autres essais sur la religion, David Hume, Vrin. Mais il ne peut s’agir que d’artifices rhétoriques de la part de Hume, puisque la section X de l’Enquête sur l’entendement humain, consacrée aux miracles, laisse clairement comprendre que Hume n’adhère à aucune religion révélée. Buy Histoire naturelle de la religion (French Edition): Read Kindle Store Reviews - Amazon.com Déméa cite donc saint Paul (1 Cor 2, 9) avant de citer Malebranche. Or, que l’efficacité pratique de la religion naturelle s’étende à la société entière, cela implique que ses positions théoriques soient aussi largement diffusées. Les Chinois battent leurs idoles, quand leurs prières ne sont pas exaucées ; le grotesque dans lequel les comédies d’Aristophane représentaient les dieux ne choquait ni les Athéniens ni les Romains ; et les Physiologues faisaient communément dériver et les hommes et les dieux du chaos des éléments. Mossner, « The Enigma of Hume », Mind, XVL, p. 334-349). 12 HNR, IX, 74 (note de Hume, qui énonce la maxime en latin) et X, 75. Mais c’est ce qu’une crainte superstitieuse l’empêchera de faire. Noté /5. Comment étayer cette dernière interprétation ? En laissant de côté la religion naturelle, L’histoire naturelle de la religion serait incomplète, puisqu’elle ne rendrait compte que de la plupart des religions, mais non de toute espèce de religion, et usurperait donc son titre d’histoire naturelle de la religion. A quoi Déméa rétorque, en reprochant à son interlocuteur une bigoterie dont il n’est pas exempt : « Qui aurait pu imaginer, répondit Déméa, que Cléanthe, le calme, le philosophique Cléanthe, tenterait de réfuter ses adversaires en leur attachant un sobriquet, et, à l’image des vulgaires bigots et inquisiteurs de notre temps, aurait recours à l’invective et à la déclamation plutôt qu’au raisonnement ? Il y aurait d'un côté la religion du peuple, ou de l'humanité encore inculte, et de l'autre la religion des savants, ou de l'humanité civilisée. Ce qui lui échapperait, c’est ce qu’il y a de spécifiquement religieux dans le pur théisme, que Hume appelle aussi la pure religion. Si la philosophie naturelle n’a pas suffi à éradiquer la superstition chez les philosophes, c’est parce qu’ils ont jusqu’ici négligé cette capitale de la philosophie qu’est la nature humaine74. Telle est l’intrigue des prêtres qu’après avoir fondé la foi sur le scepticisme, lorsque l’humanité était encore ignorante et que l’éducation avait encore un grand poids, ils ont changé de stratégie pour affecter le dogmatisme, d’inspiration cartésienne ou newtonienne, désormais que les lumières se sont répandues et que l’esprit critique a fait reculer l’autorité de l’éducation35. Montre plus 33La dialectique insoluble entre les positions antithétiques de Cléanthe et de Déméa, qui ouvre la quatrième partie des Dialogues, met en scène la dialectique infernale de la superstition, lorsque s’opposent ses deux tendances contradictoires, l’anthropomorphisme et la louange. 15Maintenant, comment le théisme a-t-il pu sortir du polythéisme ? Poche, Ensemble des textes et des réflexions du philosophe anglais sur la complexité de la religion et la diversité de ses phénomènes mettant en lumière la dualité qui la constitue, entre dogme et culte. Contactez-nous, - 5 % sur les livres avec le retrait en magasin, E-mails des destinataires (séparés par des ';'), Votre avis en quelques mots (80 caractères max. La vie courante suffit à cela68 ! 17 DRN, XI, 202-203. Le théisme philosophique n’est donc pas épuré de toute superstition par l’apport de la philosophie naturelle. 7Le premier effet de la conclusion sceptique de L’histoire naturelle, c’est de réinsérer dans le champ d’investigation causale de cette histoire la religion naturelle elle-même, qui en avait été exclue par l’artifice rhétorique de l’Introduction. Cléanthe et Déméa ne représentent pas seulement Clarke et Butler ou leurs écoles, mais figurent de manière allégorique des tendances naturelles de la raison humaine lorsqu’elle porte ses vues au-delà de l’expérience, tendances qui obéissent à des principes généraux de la nature humaine, ceux de la superstition, et que L’histoire naturelle a révélées. Il en va du théisme philosophique comme de la doctrine moderne de la double existence, celle qui suppose l’existence d’un objet au-delà de la perception, et dont le Traité fait la critique et la généalogie : « cette hypothèse philosophique ne s’impose primitivement ni à la raison ni à l’imagination », et par conséquent, « le système philosophique tire toute son influence sur l’imagination du système ordinaire ». Cette chaîne d’idées a pour ressort l’opposition entre deux principes superstitieux contradictoires, la tendance à l’idolâtrie ou à l’anthropomorphisme et la tendance à la louange. 35En passant de l’examen des attributs naturels (parties II à IX) à celui des attributs moraux de la divinité (parties X et XI), la discussion ne fait que confirmer le mélange superstitieux de louange et d’anthropomorphisme qui affecte les arguments théistes. 9Si donc la religion naturelle est historique, et non originelle, il est bien légitime d’en faire l’histoire. 56 Sur le caractère sciemment hypothétique et conjectural des histoires naturelles appliquées à l’homme dans la philosophie britannique des XVIIème et XVIIIème siècles, voir p. Carrive, La pensée politique anglaise de Hooker à Hume, Paris, PUF, 1994, p. 339 sq. Si l’on en croit l’Introduction de cette dissertation, elle ne l’est pas du tout, puisque Hume y circonscrit précisément son objet en excluant la religion naturelle de la recherche causale qui va suivre : « Toute enquête qui porte sur la religion étant de la plus haute importance, deux questions retiennent plus particulièrement notre attention, celle qui concerne son fondement dans la raison et celle qui concerne son origine dans la nature humaine. Encontre ofertas, os livros mais vendidos e dicas de leitura na Amazon Brasil Tout le propos de Philon dans cette dernière partie, proche en cela du discours d’Épicure dans l’Enquête, est de montrer que la conclusion légitime du théisme expérimental, à savoir « que la cause ou les causes de l’ordre dans l’univers présentent probablement quelque lointaine analogie avec l’intelligence humaine »42 réduit le théisme à une opinion purement spéculative, incapable d’avoir la moindre influence sur la conduite humaine. Animez et rentabilisez votre site avec nos widgets. Or ces phénomènes fournissent la preuve que les polythéistes craignaient beaucoup moins leurs dieux que les théistes ne craignent le leur lorsqu’ils lui accordent le titre élogieux de créateur du monde. D. Deleule, section XI, p. 239-241 (notée ci-après EEH, suivi de l’indication de la section en chiffres romains et de la page en chiffres arabes), où l’ami que Hume fait parler donne une explication semblable. Mais les choses ne sont pas si simples. 5 HNR, « Superstition et enthousiasme », 33 ; IX, 74 ; X, 75. : 01 45 49 00 40 De là, on conclut aisément qu’en matière de religion le culte importe plus que le dogme, que le polythéisme précéda le théisme qui en dériva, et que les maux générés par celui-ci sont pires que ceux causés par celui-là. C’est Philon qui parle. On a vu plus haut comment la religion des philosophes avait elle-même son origine dans la superstition. 14On ne peut nier que le polythéisme ait son origine dans la crainte des événements naturels jointe à l’ignorance de leurs causes. C’est évidemment Philon qui suggère cette hypothèse. Dans le but d'expliquer la genèse du besoin religieux chez l'homme, Hume distingue les deux problèmes religieux: historique et philosophique. 1954), IV, p. 155, je traduis). Le lecteur théiste de L’histoire naturelle se plaira, en lisant cette section, à penser que le polythéisme n’est pas une vraie religion, parce que sa foi s’en tient au bas de l’échelle des êtres de la théologie médiévale, en limitant sa croyance à l’existence d’êtres analogues aux elfes et aux fées de ce système, à l’exclusion des anges et de Dieu. 14: Section 3. Volume 1, L'entendement : livre I et appendice, Traité de la nature humaine. Son objet premier est de montrer comment l’humanité inculte résout un second problème, celui des causes inconnues des événements heureux mais surtout malheureux de l’existence. Retrouvez Histoire Naturelle de La Religion et des millions de livres en stock sur Amazon.fr. Le final sceptique de la dissertation invitait à relire celle-ci en y cherchant une histoire naturelle de la religion naturelle elle-même. Mais ce que montre la cinquième section de L’histoire naturelle, c’est que dans une nation civilisée où persiste le polythéisme, l’élément superstitieux de cette religion laisse place aux passions calmes qui président à la création artistique, par où la religion acquiert une utilité sociale. L’histoire naturelle, comme son titre l’indique, développerait un discours causal, principalement généalogique, sur les religions positives, toutes populaires en leur fond, tandis que les Dialogues auraient à charge de mener l’examen critique des prétentions philosophiques de la religion naturelle2. A l’opposé de l’enthousiaste, le fidèle superstitieux, craignant de s’adresser en personne à la divinité, aura besoin d’un médiateur, le prêtre, ce qui ne manquera pas d’arriver lorsque la divinité présentera les attributs élogieux que lui prête tout théisme. C’est parce que la religion naturelle manifeste la persistance de la superstition dans la philosophie elle-même, ou plus exactement la forme que cette persistance prend de manière privilégiée au XVIIIème siècle, qu’il est nécessaire d’épurer de manière critique ses arguments des préjugés religieux qui les contaminent. Schneider, 1759 - 180 pages. Autrement dit, la critique trouve son sens dans la généalogie. 71 L’argument a priori avancé par Déméa dans la neuvième partie obéit à un impératif apologétique analogue : puisqu’il est toujours possible de concevoir un être comme non existant, c’est seulement la nécessité de maintenir la croyance en la Divinité qui conduit Déméa l’esprit à concevoir celle-ci comme un être nécessairement existant. Mossner, « Hume’s Four Dissertations : An essay in biography and bibliography » in Modern Philology Review, XLVIII, 1, 1950, p. 37-57 ; et pour les Dialogues l’appendice M de l’édition des lettres de Hume par J.Y. 4 L’histoire naturelle de la religion et autres essais sur la religions, Paris, Vrin, 1996, trad. var $select = $(".1-100"); Puis la frénésie louangeuse prend le relais pour parfaire l’éminence de cette divinité souveraine en portant ses attributs à l’infini28. »59. Toutes les informations sur La Procure de votre région. (136 p.) Collection : Bibliothèque des textes philosophiques ; 1971 : Traduction de :